jeudi 13 septembre 2012

Cotton Point, Deep South

Une fois encore, c’est « par hasard » que j’ai acheté ce livre d’un auteur de que je ne connais pas : Pete Dexter. Je mets par hasard entre guillemet, car en bon consommateur que je suis, je suis irrésistiblement attiré par les têtes de gondoles comme la guêpe par le melon (en cette fin de période estivale, c’est du vécu). C’est donc en complet candide que j’attaque la lecture de ce livre.
Nous sommes en 1954 quelque part en Géorgie. La lutte pour les droits civiques y fait rages et dans cette petite bourgade, seul Paris Trout prête aux Noirs, pas par grandeur d’âme ou par revendication politique, non, parce qu’il fait du business. Un jeune noir, Henry Ray Boxer, lui achète une voiture à crédit assortie d’une assurance qu’il souhaite faire jouer le jour même après avoir eu un accident. Devant le refus de Paris Trout, Henry Ray décide de ne pas rembourser son prêt et laisse la voiture accidentée à Trout. Fou de rage, d’une rage froide et méthodique, Trout monte une expédition punitive afin de récupérer son dû qui provoquera la mort d’une jeune fille noire de 14 ans, faute d’avoir retrouvé son acheteur.

Je ne révèle pas là l’histoire dans sa totalité, mais uniquement le début sur lequel tout le livre est bâti. Car ce livre, très noir, ne nous conte pas des actions spectaculaires ou des plans machiavéliques, non, il nous livre une galerie de personnages abimés, fissurés. Il y a Paris Trout, infâme usurier, paranoïaque, qui n’hésite pas à tuer en toute impunité si les règles qu’il a imposées ne sont pas respectées (Je ne suis coupable de rien. Je suis allé là-bas pour recouvrer une créance. Vous êtes au courant de mes activités, vous vivez dans cette ville. Je traite tout le monde de la même façon, exactement comme on fait à New York. Si quelqu'un a été tué, il s'est tué lui-même), persuadé que sa femme veut l’empoisonner. Il y a Hanna, sa femme, modèle de la femme moderne libre et indépendante qui se marie sur le tard par choix, mais avec la mauvaise personne. Il y a aussi Harry Seagraves, ancien procureur apprécié de tous, maintenant avocat. Il est le défenseur de Paris Trout et espère profiter de l’éclairage médiatique mais fini par se débattre entre ses engagements vis-à-vis de son client et le crime abject et indéfendable de ce dernier. Il y a enfin Carl Bonner, un jeune avocat qui après des études brillantes dans le Massachusetts revient au pays avec sa jeune épouse pas du tout préparée à la vie de notable de province.

Dès les premières pages, Pete Dexter nous plonge dans un univers étouffant. On ressent la chaleur implacable, le vent qui assèche tout la tension qui monte jusqu’à l’orage, le meurtre de cette pauvre petite fille. Après, le rythme tombe, comme soulagé. Trout est arrêté, jugé, condamné. Le récit prend une autre tournure, chaque personnage principal a droit au Châpitre et c’est à travers ses yeux que le récit avance, lentement, laborieux avant de se terminer de façon inattendue. Inattendue ? Pas tout à fait. Pete Dexter nous laisse ça et là quelques indices, de minuscules brimborions qui nous amènent à anticiper la fin. Mais c’est tellement subtil que ce n’est qu’à la fin que les indices se revèlent !

Un excellent livre, récompensé à plusieurs reprises (en 1991 lors de sa sortie et en 2010 lors de sa réédition chez Point) qui a fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 1991 sous le titre de « Rage », film de Stephen Gyllenhaal sorti lui aussi en 1991.

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