lundi 16 mai 2011

La part de l’autre, Paris vaut bien une messe…

… et l’Histoire vaut bien un poil de pinceau. C’est sur ce raccourci scabreux qu’Éric-Emmanuel Schmitt bâti son livre « La part de l’autre ». La 4ème de couverture nous annonce : « 08 octobre 1908 : Adolf Hitler recalé. Que se serait-il passé si l’École des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ? Cette minute là, aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde… »

Car il s’agit bien de ça : que ce serait-il passé si Adolf Hitler avait été reçu aux beaux-arts ? La lecture de ce livre n’est pas réellement aisée. Elle est bâtie comme un match de ping-pong entre Adolf H., peintre au génie en passe d’être reconnu, et Hitler, jeune autrichien au génie maléfique en demeure.
Le début du livre justifie pleinement cette dichotomie dans la mesure où le vrai personnage n’est pas encore célèbre et, même si le roman est remarquablement documenté, on peut le lire comme deux destinées possibles d’un même jeune homme né à la fin du XIXème siècle et qui va se prendre les cataclysmes du XXème siècle en pleine figure, deux destinées qui s’écartent progressivement l’une de l’autre. Je suis plus circonspect sur la suite du récit (structurellement forcément linéaire), là où le côté obscure de la force (là je m’égare) amène Hitler dans l’Histoire. En effet, les choix que le personnage a pu faire, ou qu’on a faits pour lui, vont le projeter dans l’Histoire. Alors comment peut-on imaginer une suite alternative à la fin de la première guerre mondiale sans un Hitler d’abord fantoche puis fanatique et enfin despote ? C’est là la limite de l’exercice. Si Hitler s’était effectivement consacré à la peinture, qui nous dit qu’un autre personnage n’aurait pas réarmé l’Allemagne et provoqué une deuxième guerre mondiale vers le milieu du XXème siècle ? L’auteur fait évoluer Adolf H. le peintre dans un monde sans Hitler où il y a bien une petite guerre avec la Pologne, une guerre comme ça, pour la forme, sans conséquence, histoire de coller à l’Histoire.

Si le début du livre est intéressant, j’ai beaucoup moins aimé la fin que j’ai trouvée moins pertinente. Le déséquilibre entre le personnage historique et le personnage de fiction augmente à mesure qu’on avance dans le roman et que l’Histoire réduit la marge de manœuvre de l’auteur. Plus Hitler entre dans l’Histoire, plus Adolf H. évolue en contrepoint dans un monde de fiction, totalement artificiel (et pour cause). Je n’aime pas abandonner un livre, mais j’avoue que l’idée m’a effleurer de ne pas le terminer. D’ailleurs, je ne suis pas le seul, l’édition que je possède propose une postface où l’auteur raconte la genèse de son livre et son accouchement long et douloureux.

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